Éric Ciotti (ici le 5 avril) souhaite inscrire dans la Constitution «le principe d'équilibre budgétaire» ainsi que «la destitution automatique du Premier ministre et de son ministre des Finances en cas d’insincérité budgétaire caractérisée». LP/Arnaud Dumontier

Dépenses publiques

Les Républicains dénoncent les dérives budgétaires du gouvernement et posent des lignes rouges. Si elles sont franchies, ils « n’hésiteront pas » à déposer une motion de censure.

Le Parisien - 6 avril 2024 - Par Alexandre Sulzer, Quentin Laurent et Marion Mourgue

Haro sur le bilan économique d’Emmanuel Macron. À l’heure où l’exécutif cherche urgemment des pistes d’économies, les Républicains organisent mardi soir à Paris la Nuit de l’économie : y participeront des experts comme Nicolas Baverez, historien spécialiste en sciences sociales, ou des chefs d’entreprise comme Éric Trappier, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM). LR réclame « la création d’une règle d’or, visant à inscrire comme en Allemagne, le principe d’équilibre budgétaire dans la Constitution », avec « la destitution automatique du Premier ministre et de son ministre des Finances en cas d’insincérité budgétaire ».

Les Républicains critiquent vertement la politique économique et budgétaire de l’exécutif. Mais que prescrivez-vous pour redresser la situation financière du pays ?

Nous voulons exposer notre stratégie économique pour redresser le pays, notamment le réindustrialiser. Il est temps de mettre un terme à la dérive, commencée en 1981 avec François Mitterrand, de la dépense folle. Le temps des mesurettes est terminé. Il nous faut une véritable révolution économique qui réhabilite la liberté d’entreprendre. Notre pays crève de trop de normes, d’impôts et de dépenses publiques. Et pour les financer, d’une dette qui menace notre souveraineté. Emmanuel Macron n’a fait que prolonger la politique socialiste de François Hollande. Qu’il conduise une politique de droite relève de la fable ! Quand on crée autant de dette, d’impôts, de dépenses, on n’est pas de droite mais un digne représentant d’une gauche dépensière et inefficace !

Nous avons déjà proposé un contre-budget en octobre dernier qui réduit nos dépenses de 25 milliards d’euros tout en diminuant nos prélèvements obligatoires de 10 milliards d’euros. C’est cette ambition qu’il faut amplifier avec un triple objectif : plus de salaire, moins d’impôts et moins de normes.

Aurez-vous de nouvelles mesures à présenter ?

Tout notre projet visera à replacer les entrepreneurs, qui sont les seuls véritables créateurs d’emplois, au cœur de nos objectifs. Nous devons revoir complètement le mode de fonctionnement de l’État et le périmètre de notre fonction publique, collectivités territoriales comprises. La réforme du statut de la fonction publique ne doit plus être un tabou en dehors des fonctions régaliennes (police, justice, défense), pour aller vers davantage de contractualisation dans le recrutement des nouveaux fonctionnaires. Il y a trop d’administration « administrante », comme à l’hôpital. Il y a trop de démembrement de l’État, trop d’agences, trop d’autorités administratives qui créent des dépenses, des normes et de la complexité. La masse salariale des administrations publiques doit être mieux maîtrisée. De façon globale, il faut une fonction publique mieux payée, plus présente sur les besoins essentiels et, il faut avoir le courage de le dire, moins nombreuse.

Y compris les professeurs ?

L’éducation est une priorité absolue. La crise éducative est l’une des causes majeures de notre déclassement. Depuis des années, les enseignants sont de moins en moins formés, de moins en moins rémunérés et de moins en moins soutenus, c’est-à-dire l’exact inverse de ce qu’il faudrait faire. Être enseignant est plus difficile qu’autrefois. Il faut lever les rigidités du statut pour ceux qui le veulent et permettre aux autres d’exercer cette vocation à vie. Dans tous les cas, il faut revaloriser en mots et en actes la belle mission d’enseigner.

Vous voulez réindustrialiser. Comment ?

Nous voulons redonner aux Français le pouvoir de produire, d’acheter et de transmettre. C’est l’enrichissement global du pays par la production qui permettra l’enrichissement individuel alors que, depuis des années, on répartit un gâteau qui ne cesse de se réduire. Pour cela, nous voulons ramener les prélèvements obligatoires à la moyenne européenne en deux quinquennats. Avec une priorité sur les impôts de production pour les entreprises, les impôts pesant sur les successions et les donations que supportent les ménages. Travailler pour transmettre un patrimoine à ses enfants n’est pas une vilenie. Être propriétaire n’est pas une obscénité. Ce sont au contraire des moteurs puissants de l’effort et donc de l’économie.

Pour y parvenir, il faudra massivement baisser les dépenses publiques. C’est possible en réformant l’État, en supprimant massivement des centaines d’autorités administratives indépendantes et des opérateurs de l’État, je pense par exemple aux agences régionales de santé. C’est possible en s’attaquant au coût exorbitant de l’immigration qui s’élève à plusieurs dizaines de milliards par an. C’est possible en instaurant un plafond pour les prestations sociales pour rompre avec un modèle où l’assistanat paye plus que le travail.

Pour améliorer la productivité, la TVA sociale (augmenter la TVA pour réduire les charges sociales) est-elle une piste à vos yeux ?

Si l’objectif est de prélever autant en répartissant différemment la charge fiscale, cela ne sert à rien. Il n’en reste pas moins que ce débat majeur devra être porté lors de la prochaine présidentielle. Ce qui est sûr, c’est que notre modèle social, financé uniquement par le travail, n’est plus tenable. Il faut revoir l’assiette de prélèvements pour que ça ne soit plus uniquement les entreprises et les salariés qui paient l’addition.

Faire porter davantage les efforts sur les importations de produits polluants est indispensable. Il ne doit pas y avoir de tabou. L’enjeu est de faire en sorte qu’à terme, le salaire net se rapproche le plus possible du salaire brut par une baisse des cotisations. Dans le même esprit, l’impôt sur le revenu devra être totalement réformé. Cet impôt ne pèse plus que sur une minorité et il est tellement confiscatoire que l’on a imaginé des niches fiscales visant à atténuer ses effets. Or aujourd’hui, ces niches fiscales coûtent à l’État presque autant que ce que rapporte l’impôt. C’est stupide !

« Le Conseil constitutionnel aurait dû censurer ce mensonge d’État. Il faut stopper cette dérive suicidaire »

Eric Ciotti

Taxer les rentes, comme y réfléchit le gouvernement, est-ce une piste ?

Nous refusons avec force de rajouter de l’impôt à l’impôt alors que nous sommes le pays où les prélèvements sont les plus lourds du monde. Dans les débats qui s’annoncent, les Républicains se mobiliseront contre trois menaces qui animent les arrière-pensées du gouvernement pour l’après européennes : 1. Nous refuserons toute augmentation des prélèvements obligatoires. 2. Nous refuserons catégoriquement la désindexation des retraites. 3. Les dépenses de santé ne doivent pas constituer la variable d’ajustement des errances gouvernementales. La santé doit être préservée d’une vision comptable. Ce seront pour nous des lignes rouges.

Vous avez parlé de lignes rouges sur les questions budgétaires. Vous êtes prêts à déposer une motion de censure sur ce sujet ?

Si ces lignes rouges sont franchies, nous n’hésiterons pas.

Ça fait des mois que vous le dites, mais rien ne se passe. Si le gouvernement ne présente pas de collectif budgétaire, c’est une ligne rouge ?

J’ai toujours dit que nous prendrions nos responsabilités le moment venu. Mais ce type de calendrier ne s’énonce pas à l’avance. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement a présenté un budget insincère et il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère dans le maquillage des chiffres ! Le Conseil constitutionnel aurait dû censurer ce mensonge d’État. Il faut stopper cette dérive suicidaire. Nous proposons pour cela, la création d’une règle d’or, visant à inscrire, comme en Allemagne, le principe d’équilibre budgétaire dans la Constitution. Nous ajouterions la destitution automatique du Premier ministre et de son ministre des Finances en cas d’insincérité budgétaire caractérisée, comme aujourd’hui, assorti de l’interdiction d’exercer des fonctions gouvernementales. Ce principe de sincérité est appliqué à nos collectivités territoriales, pourquoi l’État en serait-il exempté ?

Avez-vous peur d’une potentielle dissolution de l’Assemblée nationale ?

Tout mon parcours démontre que je n’ai jamais craint le jugement des électeurs.

Vous critiquez la situation budgétaire, mais vous pratiquez la politique de la chaise vide quand Bruno Le Maire vous invite à Bercy pour proposer des économies…

Comme pour les fumeuses « rencontres de Saint-Denis », nous ne serons pas les marionnettes du perpétuel théâtre de la communication macroniste. Ces débats n’ont qu’un seul but : préparer les Français à la dégradation inéluctable de la note de la France par les agences de notation dans quelques jours. Le gouvernement nous entraîne dangereusement dans un scénario à la grecque dont la facture pèsera sur les revenus et l’épargne des Français.

Le gouvernement veut réformer l’assurance chômage. Vous soutenez ses propositions ?

Je fais confiance aux partenaires sociaux pour trouver un accord sur la réforme de l’Unédic. Le gouvernement parie et espère l’échec. C’est dangereux de jouer à la politique du pire. De notre côté, nous avions déjà proposé dans notre contre-budget d’allonger la durée nécessaire de travail pour ouvrir les droits au chômage. Elle est de six mois en France, contre douze mois en Allemagne. Nous voulons rompre avec l’assistanat pour favoriser le travail.