Rachida Dati, ministre de la Culture et candidate aux élections municipales à Paris. Vincent Boisot/Riva Press

Entretien

Vidéosurveillance, policiers municipaux armés… La ministre de la Culture et candidate LR à la mairie de Paris dévoile son plan « sécurité pour Paris » et dénonce « vingt-cinq ans de déni idéologique ».

Le Figaro - 16 décembre 2025 - 

 

LE FIGARO. - Quel bilan faites-vous de la sécurité à Paris, première ville de France placée sous mandat socialiste depuis 2001 ?

RACHIDA DATI. - Il suffit de se déplacer pour le constater. C’est le bilan sans appel de vint-cinq ans de déni idéologique : tous les arrondissements sont touchés par l’insécurité, qui n’a jamais été une priorité de la majorité sortante. Depuis 2019, les trafics ont augmenté de 31 %, les violences sexuelles de 59 %, l’usage de stupéfiants de 218 % ! Les premières victimes sont les femmes et les mineurs. Tous les Parisiens ont été révoltés par l’assassinat d’Elias ou de Philippine. Ces jeunes avaient la vie devant eux. De tels drames ne peuvent pas rester sans réponse ! Je considère que la sécurité n’est plus une question de clivage politique mais de liberté individuelle : c’est le droit de pouvoir vivre tranquillement dans sa ville.

Quels sont les points forts de votre projet ?

La question centrale est d’en finir avec le déni sécuritaire et de rétablir l’autorité partout. Cela passe d’abord par un maillage territorial : la police municipale doit être formée, armée et être plus nombreuse pour assurer une présence dans chaque arrondissement. Il faut renforcer nos partenariats avec les autres forces de sécurité pour qu’elles puissent venir en appoint de la police nationale mais aient aussi accès au réseau de transports en commun. Cette force de police sera soutenue par un réseau massif de vidéoprotection. Nous disposons de 4000 caméras. Je souhaite déployer un réseau de 8000 caméras qui seront reliées à un Centre de supervision urbain. Cela permettra un délai de réaction quasi instantané pour assurer la tranquillité et la sécurité des Parisiens, qui sont les prérogatives du maire de Paris. Enfin, l’efficacité nécessite de prévoir des dispositifs ciblés pour les zones les plus touchées par l’insécurité en coordonnant notre action avec les bailleurs sociaux, les commerçants et l’Éducation nationale.

Quel est votre objectif numérique en termes d’effectifs ?

Je souhaite disposer d’un corps de 5000 policiers municipaux armés et formés à la lutte contre la délinquance du quotidien. Aujourd’hui, cela n’existe pas, comme d’ailleurs le suivi par la maire de Paris de la réponse pénale aux actes de délinquance. Chaque maire préside le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, dont les membres sont notamment les forces de sécurité et la justice, qui fixe les priorités et les actions à mener pour lutter contre l’insécurité et prévenir la délinquance. Comme maire de Paris, je m’engage à rendre compte régulièrement des résultats obtenus en la matière. Là encore, ce n’est pas une question de clivage politique, mais de protection des Parisiens.

Quelle est votre vision de la politique du logement social à Paris ?

Beaucoup de ceux qui parlent du logement social n’y ont jamais vécu. Je sais ce qu’il peut apporter dans une trajectoire de vie et d’ascension sociale. Faire du chiffre pour faire du chiffre amène à l’exact opposé. C’est pour cela que, dans de nombreux quartiers parisiens, la mixité sociale recule et les problèmes s’accumulent. Paris compte déjà plus de 25 % de logement social, c’est conforme à la loi. Aller au-delà conduirait à une ghettoïsation dont on voit les conséquences, aujourd’hui, dans de nombreux quartiers. Nous n’irons pas au-delà. Cela n’a aucun sens de vouloir 40 % de logement social et de parquer les gens dans des conditions indignes, comme c’est déjà trop souvent le cas. Consacrer plus de 250 millions d’euros par an pour préempter de manière idéologique des immeubles avenue Georges V ou place des Vosges, alors que le parc social existant est fortement dégradé, n’a aucun sens et se fait aux dépens de ses locataires. Je préfère utiliser ce financement à la rénovation et la réhabilitation du parc social existant. C’est une question de respect de la dignité des Parisiens qui y vivent. Je renforcerai aussi les équipes de sécurité rattachées aux bailleurs sociaux et je généraliserai l’installation de la vidéoprotection dans les espaces communs. Ce droit à la sécurité, c’est une forte attente de l’ensemble des locataires.

"Consacrer plus de 250 millions d’euros par an pour préempter de manière idéologique des immeubles avenue Georges V ou Place des Vosges, alors que le parc social existant est fortement dégradé n’a aucun sens."

Rachida Dati, ministre de la Culture et candidate (LR) à la mairie de Paris

Voulez-vous dire qu’il faut sortir d’une approche idéologique sur ce dossier ?

Malheureusement, la dérive idéologique de la majorité municipale lui a fait oublier l’essence même du logement social. Il doit répondre à sa fonction première : permettre de loger ceux qui travaillent à Paris et pour les Parisiens. Par exemple, la ville n’est pas en capacité d’ouvrir toutes les places dans ses crèches, car elle n’arrive pas à recruter des auxiliaires de puériculture, qui sont contraintes à deux ou trois heures de transports pour se rendre à Paris. Cette situation, c’est aussi celle de nombreux infirmiers, aides-soignants, enseignants ou policiers. Je considère que cela n’est pas normal. Un des facteurs d’attractivité pour la future police municipale armée sera d’ailleurs d’avoir un accès prioritaire au logement social.

Votre projet sécuritaire insiste sur le « volontarisme politique » mais comment pouvez-vous être certaine de pouvoir transformer les « zones de non-droit » ?

Il n’y a pas de zones de non-droit en République et à Paris, il n’y a que des zones où l’autorité a reculé. S’agissant de Paris, l’espace public a de plus en plus été confisqué aux Parisiens, soit par la délinquance, soit par les campements, soit par les dégradations. C’est pourtant le cœur de la compétence de la municipalité. La politique, ce n’est pas la résignation. Si ce n’est pas le volontarisme, alors à quoi bon voter ? À quoi bon élire des responsables publics ? C’est en cela que je me distingue clairement d’Emmanuel Grégoire et de la gauche parisienne. Depuis vingt-cinq ans, ils expliquent aux Parisiens qu’ils ne peuvent rien faire. À force de le répéter, certains ont fini par les croire. Pas moi. J’assume ma différence. Moi, je veux agir et décider pour changer concrètement la vie des Parisiens.

"Qu’on ne s’y trompe pas : avec 10 milliards d’euros de budget annuel, Paris ne manque pas de moyens"

Rachida Dati, ministre de la Culture et candidate (LR) à la mairie de Paris

Trop de responsables ont oublié l’essentiel : un élu est là pour ses habitants. Pour régler les problèmes du quotidien. Pas pour se défausser. C’est exactement ce que je fais chaque jour dans le 7

N’est-il pas contradictoire de dénoncer l’endettement préoccupant de la ville et de promettre de nouveaux moyens pour la sécuriser ?

Nous avons été les premiers à dénoncer la situation dramatique des finances publiques parisiennes, cela depuis 2020. Nous la connaissons donc parfaitement. La dette va atteindre 12 milliards d’euros en 2026. Elle était de 1 milliard d’euros en 2001, lorsque la gauche est arrivée au pouvoir. Elle aura doublé sous les mandatures d’Anne Hidalgo. Pour quel résultat ? La Ville dépense trop et mal. Il ne s’agit pas nécessairement de faire plus, mais surtout de faire mieux. Les pistes d’économies sont donc claires. Les subventions aux associations sans contrôle, les projets pharaoniques de réaménagement contestés par tous les riverains, les 250 millions annuels de préemptions pour faire du logement social à prix d’or. Je réduirai aussi les charges de fonctionnement de l’Hôtel de Ville. En 10 ans, le coût de fonctionnement de la mairie a augmenté de 1250 euros par habitant, c’est inimaginable ! Je suis en mesure de dégager 600 millions à 1 milliard d’économies sur la mandature. Une partie ira au désendettement. L’autre ira à des actions directement utiles pour les Parisiens, comme le renforcement des politiques de propreté et de sécurité.

Mais quel sera le coût du projet de réaménagement complet du Champ-de-Mars que vous portez comme un chantier prioritaire ?

Les grands parcs et jardins, comme le Champ-de-Mars, mais aussi les bois de Boulogne et de Vincennes, sont devenus les lieux qui cachent toutes les misères et tous les trafics mais aussi le théâtre d’agressions quotidiennes. Ces dernières années, les agressions et les viols de touristes se sont multipliés sur le Champ-de-Mars. C’est inadmissible. Je souhaite que chacun de ces lieux dispose d’une antenne de police dédiée qui sera dotée d’une brigade équestre. Il faut déployer la vidéoprotection sur les abords et les grands axes, installer de l’éclairage intelligent. Pour le Champ-de-Mars, j’irai plus loin. Je souhaite qu’il soit fermé la nuit. Ces grilles permettront aussi d’éviter le commerce illégal, le vol à la tire et les agressions de toutes sortes durant la journée. Et, comme pour chacun de mes projets de réaménagement, je veux qu’il soit l’occasion d’une reconquête patrimoniale. Paris doit renouer avec une exigence esthétique. Les Parisiens ont trop souffert des expérimentations hasardeuses et toujours plus laides des dernières années. Le Champ-de-Mars est déserté par les Parisiens. Je veux qu’il devienne un grand parc d’exception, au même titre que les Tuileries ou le jardin du Luxembourg. Tout cela est finançable. C’est une question de réallocation des ressources.

Le projet de rénovation du Champ-de-Mars proposé par Rachida Dati. « Je souhaite que le Champ-de-Mars soit fermé la nuit. Ces grilles permettront aussi d’éviter le commerce illégal, le vol à la tire et les agressions de toutes sortes durant la journée », explique la candidate au poste de maire de Paris. Visuel fourni par l'équipe de Rachida Dati

À trois mois des municipales quelles conclusions tirez-vous des premiers sondages évoquant la possibilité d’une quadrangulaire au second tour vous opposant à Emmanuel Grégoire (PS), Pierre-Yves Bournazel (Horizons) et Sophia Chikirou (LFI) ?

Le premier enseignement est que, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, les Parisiens ont une envie d’alternance. C’est historique. Après plus de deux décennies de déclin, de nombreux Parisiens ne veulent plus de cette équipe socialiste à bout de souffle. Je dis aux Parisiennes et aux Parisiens de ne plus se résigner et de se mobiliser. Un nouvel avenir est possible pour Paris, et il est entre leurs mains. Nous pouvons et nous allons gagner !

"Les électeurs n’écoutent plus les consignes des partis. Ils se déterminent par eux-mêmes."

La candidate LFI pourra-t-elle se maintenir au second tour ?

C’est aux socialistes et aux écologistes qu’il faut poser la question. Pour ma part, j’invite les Parisiens et les commerçants à s’inscrire sur les listes électorales et à se mobiliser.

N’est-il pas compliqué d’être investie par LR tout en étant suspendue du parti ?

Pas un seul Parisien ne me parle de ce sujet sur le terrain. Ils me parlent de leurs préoccupations et de mes réponses à leurs attentes. Leurs enjeux, c’est leur quotidien et l’avenir de Paris ! Ils me connaissent. Ils connaissent ma volonté, ma pugnacité, mon énergie et mon envie d’agir pour cette ville. Ce qui est certain, c’est que la dynamique de ma campagne dépasse largement les questions d’étiquette.

Pour Nicolas Sarkozy, le « front républicain » ne comptera pas à la présidentielle. Quel est votre avis ?

Les électeurs n’écoutent plus les consignes des partis. Ils se déterminent par eux-mêmes.

Que pensez-vous de l’« union des droites » ?

Je n’ai jamais cru aux tractations d’appareil. Je crois profondément que la politique est une question d’incarnation, de volonté, d’énergie, mais aussi de projet. Le défi pour tous les responsables politiques, c’est de redonner envie aux Français d’aller voter.

Comment observez-vous la bataille interne chez LR entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez ?

C’est au fond la vie de toute famille politique. Je reste confiante sur la capacité de chacun à apprécier qui sera le meilleur pour l’emporter à l’approche des échéances électorales. C’est une question de bon sens et de responsabilité.

Comment votre famille politique devra-t-elle s’y prendre pour désigner son candidat à la présidentielle ?

Je viens de vous le dire, c’est l’envie, l’incarnation et la capacité de porter un projet ambitieux, à la hauteur de la France, qui font toujours la différence.