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Éducation

Une élève France au niveau très moyen qui n’inverse pas la tendance : le sombre constat se confirme. Gabriel Attal présente ce mardi des mesures correctrices. Avec un fort accent sur le collège.

L'Opinion - 5 décembre 2023 - Marie-Amélie Lombard-Latune

Les faits -

Les résultats de l’enquête Pisa que mène l’OCDE auprès des élèves de 15 ans sont rendus publics ce mardi. Ils mettent cette année l’accent sur les maths et portent également sur la compréhension de l’écrit et les sciences. Pour enrayer la chute du niveau scolaire, Gabriel Attal va « lancer un choc des savoirs », au collège en priorité.

La France sur un toboggan. Classements après enquêtes, le niveau des élèves français dégringole. La glissade est parfois freinée, la pente peut connaître des paliers, mais, globalement, c’est une baisse continue. Les résultats Pisa (pour Programme international pour le suivi des acquis, concernant les élèves de 15 ans dans l’OCDE) ne s’annoncent pas différents. Depuis des semaines, on s’attend à ce qu’ils soient « dégradés », selon le vocabulaire de l’Education nationale, c’est-à-dire médiocres, la France traînant depuis des années dans la moyenne, voire accélérant sa chute. En 2018, année des précédents tests Pisa sur 38 pays de l’OCDE, elle stagnait entre la 15e et la 21e place selon les compétences testées. Année après année, l’enseignement privé, où sont désormais scolarisés plus d’un élève sur cinq, s’en sort beaucoup mieux.

Plus que les enquêtes Pisa, Pirls, Timms, qui passionnent les professionnels de l’éducation, des données simples produisent des images fortes. Un élève de 4e, aujourd’hui, a les connaissances académiques d’un élève de 5e en 1995. Un élève actuellement en CM2 fait près de deux fois plus de fautes à la même dictée qu’en 1987. Les maths deviennent une langue morte quand la moitié des élèves de 6e ne sait pas combien il y a de quarts d’heure dans trois quarts d’heure et que plus de la moitié de ceux de 4e ne savent pas résoudre un problème.Source La santé mentale à l'école - Observatoire Ecoluma

Choc Pisa. Dès son arrivée rue de Grenelle, Gabriel Attal a bien identifié le sujet et a cherché à anticiper le choc Pisa par un « choc des savoirs ». Cette formule doit prendre de la consistance ce mardi avec des annonces du ministre de l’Education nationale, qui avait confié une mission sur ce point à son directeur général de l’Enseignement scolaire. L’accent sera mis sur le collège où, en entrant en 6e, 27 % des élèves ont un niveau bas en français, et un tiers un niveau « bas, voire insuffisant » en maths, selon les dernières évaluations nationales.

Dans le Code de l’éducation, il n’y a pas moins de deux pages de « priorités » mais on est défaillants sur l’essentiel

Groupes de niveaux plutôt que classe unique, soutien personnalisé aux élèves en difficulté, retour du redoublement, « labellisation » des manuels scolaires aux méthodes « scientifiquement prouvées comme efficaces » sont sur la table et vont être détaillés. Chacun de ces thèmes est un piège, emprunt d’idéologies. Le simple fait, par exemple, d'évoquer la piste de groupes de niveaux fait surgir la critique d’une école « à deux vitesses » et d’un « système inégalitaire », ce qui est déjà le cas.

Avec ce plan, Gabriel Attal joue donc gros. Son entourage estime que l’enjeu est aussi important que sa conférence de rentrée fin août. Les attentes des Français sont immenses, les risques de crispation avec les enseignants tout autant, ces derniers étant toujours plus sceptiques face aux « grandes réformes » (Fillon en 2005, Peillon en 2013, Blanquer en 2019).

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Or, pour mettre en œuvre ces projets, les enseignants sont bien le nerf de la guerre. Pas de hausse du niveau des élèves possible sans « bons profs ». Lancer un « choc des savoirs » sans pilotes confirmés, c’est risquer le crash. Gabriel Attal a choisi d’attendre janvier 2024 pour des mesures sur la formation des enseignants. Son calendrier de communication, qui cherche à tout prix à éviter les annonces sans lendemain, est ainsi calibré.

Fin août, au détour d’un déplacement dans un lycée d’Orange, Emmanuel Macron a affirmé vouloir « réinventer nos bonnes vieilles écoles normales ». L’image est parlante : celle d’instituteurs solides sur leurs connaissances et capables, aussi, de « tenir » leur classe. En creux, les Français comprennent que ce n’est plus le cas, eux qui reprochent aux enseignants leur manque d’autorité et leur difficulté à transmettre les savoirs. La question de la formation initiale des profs est aujourd’hui un chantier du ministère qui étudie un recrutement à bac +3, suivi de deux ans de formation, au lieu d’attendre comme aujourd’hui le master 2. Elle va évidemment de pair avec la question de la crise des vocations, du nombre plus faible de candidats aux concours et, fatalement, de la moindre qualité du recrutement. Ce n’est même plus un tabou : l’Education nationale embauche parfois sous la moyenne. Une remise à niveau via les Plans mathématiques et français a été jugée nécessaire pour les instituteurs par Jean-Michel Blanquer, l’anté-prédécesseur de Gabriel Attal.

« Défaillants ». L’empilement des programmes et de sujets divers (harcèlement, éducation à la sexualité, à l’écologie, etc.) ne favorisent pas l’apprentissage des fondamentaux. « Dans le Code de l’éducation, il n’y a pas moins de deux pages de “priorités” mais on est défaillants sur l’essentiel », raille, le député du Rhône (LR) Alexandre Portier, auteur d’une proposition de loi pour « un plan d’urgence sur le recrutement et la formation », débattue jeudi à l’Assemblée. Selon lui, le temps d’enseignement des élèves dans les secteurs de l’éducation prioritaire (REP+) est inférieur d’un quart à celui du privé tant les enseignants perdent des heures à obtenir le calme.

Or, les enseignants français se forment peu au cours de leur carrière. Beaucoup moins que la moyenne de leurs collègues dans les autres Etats de l’OCDE, où « le taux de participation des enseignants français est le plus faible de tous les pays étudiés », rappelle le think tank Terra Nova dans une étude du 28 novembre 2023. Selon l’enquête 2018 Talis de l’OCDE, seuls 6 % considèrent que leur participation à une activité de formation continue peut avoir une incidence positive sur le déroulement de leur carrière, contre 18 % en moyenne en Europe (lire l’entretien avec Marie-Caroline Missir).

Très logiquement, le niveau des profs joue sur celui des élèves. L’améliorer est le nerf de la guerre pour qu’1,2 million de fonctionnaires (dont plus de 800 000 profs) – ce qui fait de l’Education nationale le premier employeur de l’UE – parviennent à tirer leur classe vers le haut. Or, « ce levier de progression a été largement sous-estimé dans les séries de réformes qui ont touché l’école jusqu’à présent », rappelle Terra Nova. L’actionner est urgent, les résultats non garantis dans l’immédiat quand, que ce soit à l’école, dans les collèges ou les lycées, selon une enquête menée en 2022 sur leur santé mentale, les enseignants se déclarent massivement « épuisés émotionnellement ».